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Publié le 22 juillet 2019

Contrôler par la lumière l'amplitude et le sens de la déformation d'un matériau

Grâce à l’intégration et la caractérisation de films minces ferroélectriques dans des micro-dispositifs capacitifs, des chercheurs du C2N ont montré qu’il est possible de contrôler leur réponse photostrictive avec une résolution temporelle sub-nanoseconde en jouant sur le champ électrique interne.

La génération de déformations sous éclairement dans les matériaux ferroélectriques, ou photostriction, est décrite comme une superposition complexe de l’effet photovoltaïque (génération de porteurs électrons-trous sous illumination optique) et de l’effet piézoélectrique inverse (déformation mécanique induite par un champ électrique). Ce phénomène complexe reste mal compris mais suscite actuellement un intérêt croissant pour développer et intégrer de nouvelles fonctionnalités dans les dispositifs électroniques. Jusqu’à présent, les recherches sont principalement restées focalisées sur des études fondamentales de matériaux à l’état massif, rendant difficile leur  intégration technologique. Quelques études récentes portées sur des films minces ont révélé des taux de déformation importants (de l’ordre de 10-3) à des échelles de temps très courtes (centaine de picosecondes). Néanmoins, dans ces recherches, il n’y avait aucune possibilité de contrôler ex situ les déformations induites, les films minces restaient avec leur polarisation ferroélectrique initiale.

Grâce aux moyens de la Centrale de technologie du C2N, des chercheurs ont pu intégrer puis caractériser des films minces ferroélectriques de Pb(Zr, Ti)O3 (PZT) dans des microdispositifs. La réponse photostrictive a pu être étudiée et contrôlée in operando en appliquant une tension pour modifier l’état de polarisation ferroélectrique. Plus précisément, des mesures de diffraction de rayons X résolues en temps réalisées au synchrotron APS (Argonne, USA)1 ont permis d’étudier les variations photoinduites du paramètre de maille de PZT suite à un pulse UV avec une résolution temporelle de 100 picosecondes. Les chercheurs du C2N ont montré qu’il est possible de contrôler à la fois le signe (contraction ou élongation) et l’amplitude de la déformation photoinduite sub-nanoseconde en jouant sur la variation photoinduite du champ électrique interne. Ainsi, la photostriction peut générer aussi bien des élongations que des contractions grâce au contrôle de l’état de polarisation du matériau ferroélectrique. De plus, deux états photostrictifs rémanents distincts ont pu être atteints. Ces travaux ont été publiés dans la revue Advanced Electronic Materials.

Ces résultats fournissent des informations fondamentales sur l’interaction lumière-matière dans les ferroélectriques et de nouvelles pistes prometteuses pour l’ingénierie des matériaux multifonctionnels. En particulier, le contrôle optique de leurs propriétés pourrait être exploité dans de nouveaux dispositifs de type mémoires, ou plus généralement dans tous les systèmes où un champ électrique ou une contrainte transitoire permettent de piloter une fonctionnalité d’un matériau.

1 Dans le cadre de la collaboration avec le Laboratoire International Associé (LIA) Nanoélectronique : www.c2n.universite-paris-saclay.fr/fr/recherche/laboratoires-internationaux-associes/lia-nanoelec/

Référence :
Tuning Ultrafast Photoinduced Strain in Ferroelectric-Based Devices,
S. Matzen, L. Guillemot, T. Maroutian, S. K. K. Patel, H. Wen, A. D. DiChiara, G. Agnus, O. G. Shpyrko, E. E. Fullerton, D. Ravelosona, P. Lecoeur et R. Kukreja
Advanced Electronic Materials (2019), 1800709

DOI: https://doi.org/10.1002/aelm.201800709

Contact :

  • Sylvia Matzen, Maître de conférences Université Paris-Sud au C2N

Figure : (en haut) Schéma des mesures pompe-sonde, qui consistent à mesurer par diffraction de rayons X l’évolution du paramètre de maille suite à un pulse UV, d’un film mince ferroélectrique de PZT intégré entre deux électrodes. (en bas) Déformation photoinduite 2.5 nanosecondes après le pulse UV, en fonction de la tension appliquée, montrant un phénomène d’hystérésis et le contrôle de l’amplitude et du signe de la déformation, avec deux réponses photostrictives distinctes à tension nulle. © C2N / S. Matzen & al.