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Publié le 19 septembre 2019

Un laboratoire sur puce pour la détection de traces de biomarqueurs

Cet article a été diffusé dans CNRS – La lettre Innovation de Septembre 2019, rubrique « Brevets et licences ».

Une équipe du Centre de nanosciences et nanotechnologies a mis au point une technologie microfluidique novatrice pour l’analyse des micro-ARN. Le dispositif, conçu pour la détection rapide de biomarqueurs présents dans les liquides biologiques, ouvre la voie à un diagnostic précoce et sans prélèvements tissulaires.

La biopsie liquide, destinée à détecter précocement un cancer par simple analyse de sang ou d'urine, sans prélèvements de tissus, est encore au stade de la recherche. Elle suppose la mise au point de techniques de détection ultra sensibles de biomarqueurs (ADN ou ARN présents dans le sang, par exemple). Le laboratoire sur puce, breveté2, mis au point par une équipe du Centre de nanosciences et de nanotechnologies -  C2N (CNRS/UPSaclay), ouvre la voie à des diagnostics rapides et ultra-sensibles1. Basé sur des techniques microfluidiques, il réalise la capture, le relargage et la détection d’un micro-ARN spécifique du cancer du foie.

Les micro-ARN (miRNA) circulant dans le sang sont des biomarqueurs très prometteurs pour la détection précoce de différentes pathologies : maladies cardiovasculaires, chocs hémorragiques, lésions cancéreuses… Actuellement, l’analyse des miRNA se décompose généralement en trois étapes : l’extraction des ARN totaux, dont les miARN, à partir de plasma ou de sérum, la transcription inverse (RT) des ARN en ADN complémentaires, et leur amplification par PCR (réaction en chaîne par polymérase). Les inconvénients majeurs de cette technique sont la durée d’analyse - six heures en moyenne - et les erreurs potentielles lors de la phase d’amplification et de détection.

Le Centre de nanosciences et nanotechnologies propose une approche très différente. Ils utilisent la technologie HDE (Hyperthermie et détection électrochimique), basée sur la surconcentration des brins d’ARN dans un dispositif microfluidique. Des nanoparticules magnétiques pré-équipées d’ADN sondes («serrures») sont utilisées pour la capture spécifique des micro-ARN cibles («clés»). L’hyperthermie magnétique est ensuite utilisée pour chauffer localement et permettre le relargage des brins d’ARN. Enfin, la détection ultime est réalisée par électrochimie sur des microélectrodes sondes fonctionnalisées pour la recapture des micro-ARN cibles. L'intégration de ces opérations sont intégrées dans un dispositif microfluidique, ce qui offre de multiples avantages : capture de différents types de miRNA dans le même échantillon, relargage sans élévation globale de la température, diminution du volume d’échantillon nécessaire pour l’analyse (de l’ordre du nanolitre), auxquels s'ajoutent la miniaturisation et l'automatisation du système.

Le dispositif a démontré sa validité en laboratoire, en détectant un des miRNA spécifiques du cancer du foie. Toutes les étapes ont été réalisées en moins de trois heures, avec un seuil de détection extrêmement bas (10-18 mol/L), meilleur que ceux faisant appel aux protocoles de type PCR. Le laboratoire développe maintenant un prototype intégré de l'instrument, dans le cadre d'un projet cofinancé par un programme de prématuration du CNRS et une action de valorisation du Labex NanoSaclay. « L'objectif est de disposer d'un prototype fonctionnel à la fin de 2019, puis de co-développer un prototype industriel en 2020 en lien avec une entreprise », indique Jean Gamby3, chercheur CNRS au Centre de nanosciences et de nanotechnologies.

Le nouvel instrument ultra-sensible pourrait être utilisé en prévention (dépistage précoce), mais aussi pour des analyses biologiques en services d'urgence voire sur le terrain. La même méthode pourrait s'appliquer à la détection d'autres biomarqueurs, et donc à la prévention d'autres pathologies.

1 Le dispositif a été développé en collaboration avec :
L’équipe Colloïdes inorganiques du laboratoire Physico-chimie des électrolytes et nanosystèmes interfaciaux (CNRS/Sorbonne Université)

L’Unité des technologies chimiques et biologiques pour la santé (CNRS/Inserm/Université Paris Descartes)
2 Brevet « Procédé de détection de molécules d’acides nucléiques par hyperthermie magnétique et ensemble permettant une telle détection », en co-propriété CNRS/Inserm/Université Pierre et Marie Curie, déposé le 5/10/2017 et étendu le 5 octobre 2018.
3 Jean Gamby a bénéficié d’un accompagnement à la structuration de son projet, financé par le CNRS et réalisé par l’entreprise Valoritech Créateur de valeurs.

Contact :

Jean Gamby, chargé de recherche CNRS au C2N