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Publié le 7 avril 2021

Spectromètre à transformée de Fourier hétérodyne spatiale sur puce photonique en silicium exploitant l'avantage de Jacquinot

Abstract

Les spectromètres sur puce photonique en silicium ont des applications importantes dans le diagnostic médical, la surveillance de la pollution et l'astrophysique. Les spectromètres hétérodynes spatiaux à transformée de Fourier (SHFTS) présentent une architecture particulièrement intéressante, dotée d'une puissante capacité de correction passive des erreurs et d'une haute résolution spectrale. Bien qu'ils aient un débit optique intrinsèquement élevé (également appelé étendueou avantage de Jacquinot), les SHFTS en silicium à l’état de l’art n'ont pas encore exploité cet avantage. Ici, nous proposons et démontrons expérimentalement pour la première fois, à notre connaissance, un SHFTS mettant en œuvre un système de collecte de lumière à grande surface alimentant simultanément un réseau de 16 interféromètres, avec une ouverture d'entrée aussi grande que 90µm×60µm formée par un coupleur à réseau à alimentation bidirectionnelle. Nous démontrons expérimentalement une résolution spectrale de 85 pm, une largeur de bande de 600 pm, et une augmentation de l'étendue de 13 dB, par rapport à un dispositif avec une entrée de coupleur à réseau conventionnel. Le SHFTS a été fabriqué par lithographie optique dans l'ultraviolet profond à 193 nm et intègre une ouverture d'entrée de grande taille avec un réseau d'interféromètres et des photodétecteurs Germanium monolithiques, formant une empreinte de 4,5 mm2.

Les spectromètres miniaturisés sur puce photonique en silicium sont des outils s’integrant dans une large gamme d'applications, allant des diagnostics médicaux, la surveillance biologique et environnementale, l'astrophysique et les sciences planétaires, pour n'en citer que quelques-unes. Dans les spectromètres photoniques intégrés, la lumière est collectée et traitée par un dispositif dispersif ou un dispositif à transformée de Fourier. Les dispositifs dispersifs, par exemple les réseaux de guides d'ondes (AWG) et les réseaux d'échelles de guides d'ondes, ont un seul guide d'ondes d'entrée, ce qui limite l'étendue et compromet donc le rapport signal/bruit réalisable. En outre, les éléments dispersifs sont très sensibles aux imperfections de fabrication. À l'inverse, les circuits à transformée de Fourier bénéficient d'une étendue intrinsèquement grande, c'est-à-dire de l'avantage de Jacquinot. Le spectromètre hétérodyne spatial à transformée de Fourier (SHFTS) a une architecture particulièrement prometteuse pour les circuits à transformée de Fourier miniaturisés sur puce. Le SHFTS repose sur un réseau d'interféromètres de Mach-Zehnder (MZI) dont le déséquilibre de la longueur de chemin optique augmente linéairement, pour former un interférogramme spatial à partir duquel le spectre d'entrée est récupéré. Le SHFTS permet d'utiliser des techniques d'étalonnage passif pour corriger les erreurs d'amplitude et de phase dues aux imperfections de fabrication et d'obtenir une résolution spectrale élevée dans l'infrarouge proche et l'infrarouge moyen. L'acquisition parallèle de l'interférogramme entier peut être exploitée pour mettre en œuvre une collecte de lumière multi-ouverture couvrant de larges zones. Cependant, les SHFTS sur puce photonique en silicium démontrés à ce jour n'ont pas encore exploité cet avantage de grande ouverture. Les démonstrations de SHFTS à l'état de l'art utilisent des arbres d'entrée et de division de puissance à guide d'ondes unique ou des entrées multiples auxquelles on accède séparément, une par une.

Ici, nous proposons et démontrons expérimentalement un nouveau SHFTS sur puce  silicium qui exploite l'avantage de Jacquinot, en mettant en œuvre une entrée collectrice à grande surface formée par deux coupleurs à réseau, côte à côte [Fig. 1(a)]. Un réseau est conçu pour un angle de couplage positif θ et l'autre pour un angle négatif -θ. La lumière éclairant la surface collectrice est redirigée dans le plan de la puce dans des directions opposées par les réseaux respectifs. Cette géométrie de réseau à alimentation bidirectionnelle, qui a été proposée à l'origine pour améliorer la bande passante des coupleurs fibre-puce, est utilisée ici pour augmenter la surface de collecte de la lumière et le nombre de guides d'ondes alimentés simultanément. Sur la base de cette approche, nous fabriquons un SHFTS en utilisant la lithographie UV profonde à 193 nm. L'interface d'entrée, avec une surface de 90 µm × 60 µm, alimente simultanément 16 MZIs, huit de chaque côté. La sortie des MZI est lue par des photodétecteurs au germanium intégrés de façon monolithique. La fabrication en UV profond et l'intégration monolithique avec des photodétecteurs en germanium présentées ici ouvrent de nouvelles perspectives pour la fabrication en grand volume de SHFTS sur puce.

Nous montrons expérimentalement une résolution de 85 pm avec une amélioration de l'étendue de ∼13 dB pour un faisceau d'entrée de grande surface avec un rayon de 0,5 mm, par rapport à un coupleur à réseau de surface classique (taille de 20 × 20 µm2). La grande étendue de la configuration proposée et les puissantes corrections de phase et d'amplitude fournies par la technique pseudo-inverse ont permis de démontrer une résolution de 85 pm en utilisant une ouverture d'entrée de grande surface et des photodétecteurs intégrés, sans dégradation significative des performances par rapport à l'illumination individuelle de chaque MZI et la lecture avec des photodétecteurs externes. Ces résultats ouvrent une nouvelle voie vers la production en grand volume de spectromètres photoniques miniaturisés sur puce en silicium exploitant l'avantage de Jacquinot, ce qui peut être particulièrement intéressant pour les applications de détection dans les systèmes embarqués où le poids, la robustesse et l'étendue sont des paramètres clés.

References

Optics Letters Vol. 46, Issue 6, pp. 1341-1344 (2021)

DOI : https://doi.org/10.1364/OL.418278

Affiliations

Thi Thuy Duong Dinh1,*, David Gonzalez-Andrade2, Miguel Montesinos Ballester1, Lucas Deniel1, Cécilia Dupré3, Betrand Szelag3, Xavier Le Roux1, Eric Cassan1, Delphine Marris-Morini1, Laurent Vivien1, Pavel Cheben4,5, Aitor V. Velasco2, et Carlos Alonso-Ramos1

1Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies, CNRS, Université Paris-Saclay, Palaiseau 91120, France
2Instituto de Óptica Daza de Valdés, Consejo Superior de Investigaciones Científicas (CSIC), Madrid 28006, Spain
3University Grenoble Alpes and CEA, LETI, Minatec Campus, F-38054 Grenoble, Grenoble Cedex, France
4National Research Council Canada, 1200 Montreal Road, Bldg. M50, Ottawa, Ontario K1A 0R6, Canada
5Center for Research in Photonics, University of Ottawa, Ottawa, Ontario K1N 6N5, Canada

Contact

thi-thuy-duong.dinh@c2n.upsaclay.fr

 

Illustration

Fig. 1. Images optiques de : (a) coupleur à réseau d'entrée bidirectionnel à grande surface, et (b) dispositif SHFTS complet, comprenant le coupleur à grande surface, 16 MZI avec un déséquilibre de la longueur du chemin optique augmentant linéairement jusqu'à 7,5 mm, et des photodétecteurs Ge intégrés.