Des chercheurs du C2N et de l’Instituto de Ciencia de Materiales de Madrid ont mis au point une approche économique pour bloquer des ondes sonores oscillant à des milliards de vibrations par seconde. En laissant de minuscules sphères de polystyrène s’auto-assembler, ils ont créé un réseau capable de piéger et de contrôler l’hyperson, ouvrant la voie à des dispositifs nanométriques plus rapides et plus performants.
Le contrôle des ondes sonores à ultra-haute fréquence, ou hyperson, constitue un défi majeur pour les technologies à l’échelle nanométrique, notamment les dispositifs quantiques, la photonique et les systèmes de communication ultrarapides. Dans la gamme de fréquences allant du gigahertz au térahertz, l’hyperson peut transporter de l’information, de la chaleur ou de l’énergie mécanique à des échelles microscopiques. Développer des méthodes accessibles et évolutives pour manipuler ces vibrations est essentiel pour faire progresser la prochaine génération de nanotechnologies.
Une équipe internationale de chercheurs, issue d’une collaboration entre le Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies – C2N (CNRS, Université Paris-Saclay, France) et l’Instituto de Ciencia de Materiales de Madrid – ICMM (CSIC, Espagne), dirigée par le Dr Norberto Daniel Lanzillotti-Kimura et le Dr Pedro D. García, a démontré que des nanosphères de polystyrène auto-assemblées sont capables de contrôler l’hyperson. Leurs travaux, publiés récemment dans Nanophotonics (2025), montrent que selon la disposition de ces sphères sur un substrat de silicium, la propagation du son à l’échelle nanométrique peut être profondément modifiée.
Plutôt que de recourir à des techniques de nanofabrication coûteuses et complexes, l’équipe a adopté une approche ascendante : des sphères de polystyrène d’environ 200 nanomètres de diamètre se sont auto-assemblées sur une plaquette de silicium pour former un réseau bidimensionnel très ordonné. En ajustant leur disposition — d’isolées à chevauchantes —, les chercheurs ont pu contrôler la propagation de l’hyperson, créant des « bandes phononiques interdites » capables de bloquer certaines vibrations.« En laissant les sphères s’organiser naturellement, nous avons créé une structure capable de piéger et de contrôler l’hyperson », explique Edson Cardozo, un auteur de l’étude. « C’est une méthode simple, évolutive et intégrable dans les dispositifs nanométriques existants. »
Pour caractériser ces vibrations, les chercheurs ont utilisé des expériences de pompage-sonde ultrarapide et de diffusion Brillouin de la lumière. Ces techniques leur ont permis d’observer comment l’hyperson se propage selon la configuration des sphères. Des sphères isolées suppriment les vibrations collectives, agissant comme un isolant mécanique, tandis que des sphères en contact ou se chevauchant permettent aux ondes de se propager à des vitesses atteignant 8 000 mètres par seconde.« Ce travail nous permet de visualiser et de manipuler l’hyperson à l’échelle nanométrique », déclare le Dr Lanzillotti-Kimura. « C’est une avancée majeure vers des dispositifs où les vibrations et la chaleur peuvent être contrôlées aussi précisément que les signaux électriques dans une puce. »
Les structures phononiques auto-assemblées ouvrent des perspectives prometteuses pour la photonique et les technologies quantiques, en permettant le traitement ultrarapide de l’information, la stabilisation des dispositifs quantiques et la gestion thermique à l’échelle nanométrique. L’accessibilité et la reproductibilité de l’auto-assemblage rendent cette approche particulièrement prometteuse pour des applications à grande échelle. « Nos résultats démontrent que l’auto-organisation naturelle peut être exploitée pour concevoir et manipuler le son à l’échelle nanométrique », conclut le Dr García.
A self-assembled two-dimensional hypersonic phononic insulator
Pedro Moronta, Sandeep Sathyan , Edson R. Cardozo de Oliveira , Rafael J. Jiménez-Riobóo , Norberto Daniel Lanzillotti-Kimura, Pedro D. García and Cefe López
Nanophotonics 2025; 14(22): 3569–3577
https://doi.org/10.1515/nanoph-2025-0141
Figure: Schéma d’un réseau auto-assemblé de nanosphères sur un substrat de silicium. Un faisceau laser excite des ondes hypersoniques qui se propagent à travers le substrat et interagissent avec les nanosphères.



