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Publié le 18 juillet 2019

Démonstration expérimentale d'un filtre en silicium à haute réjection et passif sur puce

Des physiciens du C2N et de l’Institut de Physique de Nice ont mis au point une stratégie simple et générique pour surmonter l’une des principales limites à la fabrication de filtres sur puce. Ils ont démontré expérimentalement une réjection optique passive supérieure à 80 dB, permettant la suppression du bruit optique de pompe dans les circuits quantiques.

La science de l'information quantique recèle un potentiel immense pour des applications à fort impact telles que le traitement de données ou les communications sécurisées. Dans ce contexte, la photonique sur silicium est considérée comme une technologie permettant l’extension de ces applications quantiques, dans la mesure où elle permettrait la fabrication à faible coût et à grand volume de puces quantiques intelligentes mettant en œuvre de multiples fonctionnalités. Dans ces circuits, la première étape consiste à générer des paires de photons intriqués à partir d'un fort pompage optique via des effets non linéaires dans le silicium. Ensuite, ces paires peuvent être manipulées en tirant parti des briques de base de hautes performances déjà disponibles dans la technologie  photonique sur silicium. Cependant, les performances des circuits quantiques sur puce à base de silicium sont diminuées en raison du bruit photonique résultant de l'intensité de pompage nettement plus élevée que celle des paires de photons. La suppression de ce bruit sur puce reste un défi. En effet, la seule démonstration de la réjection du pompage sur puce dans un circuit quantique en silicium a nécessité la mise en cascade de deux puces, principalement en raison de la réjection limitée des filtres en silicium disponibles jusqu'à présent.

Une multitude de filtres optiques a été démontrée pour la technologie de la photonique sur silicium, notamment des résonateurs en cascade, des interféromètres et des filtres à réseau de Bragg qui sont capables de refléchir certaines longueurs d’ondes et de transmettre toutes les autres. Bien que les démonstrations théoriques puissent atteindre des niveaux de réjection remarquablement élevés, les mises en œuvre pratiques sont généralement limitées à une réjection de 30 à 60 dB en raison d'imperfections de fabrication. Même de petits écarts dans les dimensions du dispositif peuvent produire de grandes erreurs de phase, ce qui entraîne des interférences destructives qui faussent la réponse du filtre. Cet effet est accentué dans les filtres photoniques en silicium du fait du contraste d'indice élevé entre le silicium et la gaine. Un réglage de phase actif peut atténuer partiellement cet effet néfaste au prix d'une complexité accrue de la fabrication et du fonctionnement du dispositif.

Dans un travail publié en juillet 2019 dans la revue Laser & Photonics Reviews, une équipe de chercheurs du département photonique de C2N, en collaboration avec l'Institut de physique de Nice, a présenté une nouvelle stratégie pour la mise en œuvre de filtres en silicium à haute réjection sur puce qui ne nécessitent pas de réglage actif. L'approche proposée exploite l'ingénierie modale dans les réseaux de Bragg à guides d'ondes pour rendre le dispositif insensible aux erreurs de phase. Le fonctionnement des filtres de Bragg repose sur une modulation périodique dans le guide d’ondes afin de réfléchir la lumière à une longueur d’onde donnée, créant ainsi une fenêtre dans le spectre de transmission. Alors que les réseaux de Bragg classiques couplent les réflexions arrière dans le mode fondamental du guide d’onde, dans cette nouvelle approche, les réseaux de guide d’onde sont conçus pour coupler les réflexions de Bragg dans un mode spatial d’ordre élevé. Ensuite, différents réseaux de Bragg sont séparés par des guides d’ondes monomodes. Les rétroréflexions se propageant dans un mode d'ordre élevé sont rayonnées dans des guides d'ondes monomodes interconnectant des étages de filtrage adjacents, empêchant ainsi les interférences destructives. Il s’avère que cette stratégie simple et générique permet de surmonter l’une des principales limites des filtres sur puce.

Les filtres ont été fabriqués dans la Centrale de Technologie du C2N et la caractérisation expérimentale a été réalisée au C2N et à l’Institut de physique de Nice. Les compétences complémentaires des deux équipes ont été essentielles pour démontrer expérimentalement une réjection optique supérieure à 80 dB, permettant la suppression du bruit photonique de pompe dans les circuits quantiques. De plus, il s'agit du rejet le plus élevé jamais signalé pour un filtre au silicium passif. Nous prévoyons que ces filtres optiques à forte réjection accéléreront le développement d'une nouvelle génération de circuits quantiques nanophotoniques à hautes performances exploitant les avantages clés de la photonique sur silicium.

Références :

Coherency-broken Bragg filters: overcoming on-chip rejection limitations
Dorian Oser1, Florent Mazeas2, Xavier Le Roux1, Diego Perez-Galacho1, Olivier Alibart2, Sebastien Tanzilli2, Laurent Labonte2, Delphine Marris-Morini1, Laurent Vivien1, Eric Cassan1 et Carlos Alonso-Ramos1
Laser & Photonics Reviews (Juillet 2019)

DOI: https://doi.org/10.1002/lpor.201800226

1 Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies (CNRS, Université Paris-Saclay)
2 Institut de Physique de Nice - INPHYNI (CNRS / Université de Côte d'Azur)

Contact :

 

Figure : Image au microscope électronique à balayage du filtre de Bragg fabriqué (image MEB de fond) et de la transmittance mesurée montrant une réjection record de 80 dB (graphique). © C2N / C. Alonso-Ramos & al.