Actualités

Publié le 16 décembre 2022

Une machine bayésienne à memristors

L’intelligence artificielle fait aujourd’hui des progrès majeurs, mais elle fait face à un défi : sa consommation énergétique considérable, qui limite ses applications et pose des problématiques environnementales. Il est désormais bien compris que cette consommation provient de la séparation, dans les ordinateurs, entre les fonctions de calcul et de mémoire. Comme l’intelligence artificielle fait appel à beaucoup de données, elle sollicite énormément la mémoire informatique, ce qui est coûteux en énergie. Notre cerveau a une efficacité énergétique bien supérieure, car les fonctions de mémorisation y sont intégrées au plus proche des fonctions de calcul.
Les memristors sont une nouvelle technologie mémoire, qui utilise des nanocomposants, et qui est intégrée au cœur du calcul, reproduisant donc la stratégie d’efficacité énergétique du cerveau. Une équipe associant trois laboratoires du CNRS (Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies, Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence, Institut des systemes intelligents et robotique), le CEA LETI et la startup Hawai.tech a fabriqué une « machine bayésienne », une petite intelligence à artificielle à memristors. Le prototype, présenté dans la revue Nature Electronics, est composé de 2048 memristors en oxyde d’hafnium et 30 080 transistors silicium (MOSFET). La machine sait reconnaître un geste humain en utilisant des milliers de fois moins d’énergie qu’une solution traditionnelle basée sur un microcontrôleur.
La machine Bayésienne implémente un modèle d’inférence bayésienne, un type d’intelligence artificielle complémentaire au deep learning, la technique d’IA la plus utilisée aujourd’hui. L’inférence bayésienne excelle dans les situations où très peu d’information est disponible ; la machine bayésienne serait particulièrement adaptée pour la réalisation de dispositifs embarqués pour le suivi de patients, ou dans des capteurs intelligents permettant de surveiller le vieillissement de bâtiments ou d’installations industrielles.
Le prochain défi pour les intelligences artificielles à memristors et d’être capable d’apprendre, c’est à dire de s’adapter à des nouvelles données. Elle pourrait alors par exemple s’adapter à l’évolution de la maladie d’un patient. Ce défi va être relevé dans le cadre du PEPR d’accélération Electronique, un programme visant à générer des innovations pour accélérer la croissance et relocaliser certaines productions en France ou en Europe grâce à des solutions technologiques nouvelles. Ce projet associe le CNRS et le CEA et vient d’être financé à hauteur de 86 millions d’euros.

Références :
A Memristor-Based Bayesian Machine
K.-E. Harabi1, T. Hirtzlin1, C. Turck1, E. Vianello2, R. Laurent3, J. Droulez3,4, P. Bessière4, J.-M. Portal5, M. Bocquet5, D. Querlioz1
Nature Electronics, dec. 2022
DOI: doi.org/10.1038/s41928-022-00886-9

1Université Paris-Saclay, CNRS, Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies, Palaiseau, France
2Université Grenoble-Alpes, CEA-LETI, Grenoble, France
3HawAI.tech, Grenoble, France
4Sorbonne Université, CNRS, Institut des Systèmes Intelligents et de Robotique, Paris, France
5Aix-Marseille Université, CNRS, Institut Matériaux Microélectronique Nanosciences de Provence, Marseille, France

Contact : Damien Querlioz

Figure : Photographie de la machine Bayésienne (dimension 2mmx2mm). Les seize blocs de memristors (apparaissant comme des carrés noirs) sont entourés de circuits à base de transistors effectuant les calculs d’intelligence artificielle au plus proche de la mémoire.