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Publié le 11 juillet 2025

Propriétés électroniques d’une surface GaP(111)B passivée sélénium : vers la croissance d’hétérostructures quasi-van der Waals 2D/3D à grande échelle

Ces dernières années, plusieurs substrats 3D bien établis ont été envisagés pour l'épitaxie van der Waals des dichalcogénures de métaux de transition 2D, nécessitant cependant un traitement de passivation de surface approprié. Dans le cadre d’une collaboration entre l’IEMN et le C2N, les propriétés structurelles et électroniques de surfaces ordonnées GaP(111)B dont la terminaison Se est réalisée par épitaxie par jets moléculaires (EJM) sont étudiées. Dans un premier temps, il est souligné le rôle clé de l'utilisation d'une combinaison d'hydrogène atomique et de phosphine craquée dans le but de préparer une surface GaP(111)B lisse riche en P avec une reconstruction de surface (2×2) pour des substrats dopé n et p. L’évolution des propriétés électroniques de surface après une exposition au flux de sélénium est ensuite déterminée. La surface GaP(111)B présente un changement systématique de reconstruction, évoluant d'un motif (2×2) à un motif (1×1), tout en montrant un changement d'environnement chimique principalement dans la couche de surface P. L’absence de formation d’une couche de GaSe est mise en évidence par des mesures de photodiffraction, tandis qu’il apparaît que la structure de bandes de la surface passivée au sélénium dérive de celle du GaP(111)B. Une passivation électronique partielle de la surface est ensuite révélée par l’évolution de la courbure de bande et du dipôle de surface mesurés par spectroscopie de photoémission UV. Cette réalisation de substrat GaP(111)B à terminaison Se ouvre la voie au développement de nouvelles hétérostructures 2D/3D avec un grand intérêt pour les applications nanoélectroniques et optoélectroniques.

Le développement d’hétérostructures combinant des matériaux 2D - par exemple des dichalcogénures de métaux de transition (DMTs) - et des substrats 3D connaît un essor d’attractivité car permettant de combiner les propriétés uniques des couches monoatomiques avec la robustesse et les possibilités d’intégration de substrats commerciaux. Il est cependant nécessaire de préparer le substrat 3D en amont, de telle sorte que sa surface soit parfaitement désoxydée et compatible avec une épitaxie dite quasi van der Waals (c’est-à-dire minimalement liée chimiquement, tout en offrant une interface de haute qualité). L’étude porte ainsi sur la préparation de la surface GaP(111)B, incluant une étape préliminaire de désoxydation puis de passivation de surface par sélénium (Se) de manière à supprimer les liaisons pendantes du substrat, et ainsi favoriser la croissance de DMTs.
Pour ce faire, la surface GaP(111)B est dans un premier temps désoxydée à relativement basse température dans un bâti d’épitaxie III-V en utilisant une combinaison d’hydrogène atomique et de phosphine craquée. Il en résulte une reconstruction de surface (2×2) bien définie, tant pour des substrats dopés n que p. 
La surface est par la suite transférée sous ultra vide dans un second bâti d’épitaxie dédié à la croissance des DMTs, puis est exposée à un flux de sélénium à une température variant de 450°C à 700°C. La reconstruction de surface évolue de la (2×2) précédemment observée à une (1×1), suggérant que le Se modifie l’environnement chimique de la couche externe du substrat. La combinaison des analyses structurelles démontre que seule la couche la plus superficielle de P est modifiée, sans que soit observée la présence d’une couche de GaSe complète. En complément, les mesures de spectroscopie angulaire en photoémission (ARPES) montrent que la bande électronique dominante reste celle du GaP, et non celle d’une nouvelle phase attribuée au GaSe. La combinaison des mesures de spectroscopie photoélectronique X et UV (XPS-UPS) démontrent d’une évolution de la courbure de bande et du dipôle de surface traduisant une passivation partielle efficace des états de surface. 
Enfin, l’étude souligne que la passivation est fortement dépendante du flux de Se. En effet, un flux élevé (3-5×10-6 Torr) induit la pénétration indésirable des atomes de Se dans les premières couches de GaP, tandis qu’un flux faible (3-5×10-7 Torr) offre le meilleur compromis entre passivation et conservation de la structure de GaP. 
En conclusion, l’étude démontre que la passivation de GaP(111)B par sélénium est une voie prometteuse pour créer une interface stable pour la croissance quasi van der Waals de DMTs par épitaxie. Cette étape de préparation de surface est essentielle pour réaliser des hétérostructures 2D/3D de nouvelle génération, avec des perspectives en nano-électronique et opto-électronique.

Références

Electronic properties of the selenium passivated GaP(111)B surface : towards growth of large scale quasi-van der Waals 2D/3D heterostructure
Niels Chapuis1, Corentin Sthioul1, Aymen Mahmoudi2, Meryem Bouaziz2, Christophe Coinon1, Louis Thomas1, Davide Romanin2, Gilles Patriarche2, Fabrice Oehler2, Abdelkarim Ouerghi2 and Xavier Wallart1
Physical Review Material 9, 074002 (2025)
DOI : https://doi.org/10.1103/pv8b-89gg

Affiliations

1Université Lille, CNRS, Centrale Lille, Junia, Université Polytechnique Hauts-de-France, UMR 8520 – IEMN – Institut d’Electronique de Microélectronique et de Nanotechnologie, F-59000 Lille, France
2Université Paris-Saclay, CNRS, Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies, 91120 Palaiseau, Paris, France

Mots-clefs : Van der Waals, 2D materials, Transition Metal Dichalcogenides, Electronic Structure, Photoemission

Contact : Niels Chapuis 

Ces travaux bénéficient du soutien de Renatech au travers de la Centrale de nanotechnologie du C2N, ainsi que des programmes ANR Tunne2D et PEPR ADICT.

Figure : exemple d’une épitaxie quasi van der Waals sur une surface GaP(111)B passivée Se. Motif RHEED (1×1) et image HAADF-STEM d’une hétérostructure HfSe2/Se-GaP(111)B réalisée par EJM (a) et le schéma de vue latérale associé, créé avec VESTA (b).