Un dispositif instrumental unique a permis d’observer pour la première fois, in situ et en temps réel, la croissance de nanomatériaux élaborés par jets moléculaires dans un microscope électronique à transmission.
Les nanotechnologies font appel à des matériaux cristallins de taille nanométrique qui peuvent être élaborés par différentes techniques. Comprendre et contrôler la formation de ces nanocristaux représente un enjeu majeur pour maîtriser leurs propriétés et atteindre ainsi une fonctionnalité donnée. Pour sonder et étudier leur morphologie, leur structure cristalline ou leur composition chimique, la microscopie électronique en transmission (MET) constitue une technique de choix. En effet, ces analyses MET peuvent être menées à l’échelle atomique. En termes de résolution spatiale, elles ont considérablement bénéficié de l’apparition des correcteurs d’aberrations géométriques, ces dernières années. Parmi les méthodes d’élaboration de semi-conducteurs ou de métaux, l’épitaxie par jets moléculaires, qui offre un excellent contrôle de la croissance cristalline, n’avait jusqu’alors jamais été mise en œuvre dans un microscope électronique en transmission opérationnel.
Grâce à de nouveaux développements instrumentaux réalisés dans le cadre du projet de microscope NanoMAX, des chercheurs et ingénieurs du Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N, CNRS/Univ. Paris-Sud) et du Laboratoire de physique des interfaces et des couches minces (LPICM, CNRS/École Polytechnique) ont pu observer en temps réel et à l’échelle atomique la formation de nanofils d’arséniure de gallium (GaAs). Ces nanofils croissent à partir de jets de gallium atomique et d’arsenic moléculaire dirigés vers une fine membrane chauffante, transparente au faisceau électronique du microscope. La membrane est recouverte de nanoparticules d’or qui catalysent la croissance des nanocristaux. Avec cette préparation, les couches atomiques du réseau cristallin se construisent une à une, à l’interface entre le nanofil et la gouttelette de catalyseur.
La formation d’une couche commence de façon convexe : elle minimise la longueur de ses bords. Puis la courbure s’inverse. Les bords de la couche s’allongent préférentiellement à la périphérie de la gouttelette. L’avancée se poursuit donc de façon concave jusqu’à ce que la couche soit complète. Cette progression permet au système de minimiser l’énergie mise en jeu. Les chercheurs ont interprété ces observations à l’aide d’un modèle simple basé sur la géométrie du système. Ils attribuent différentes énergies aux frontières de la couche en formation selon leur emplacement (au sein ou à la périphérie de la gouttelette).
Plus généralement, l’utilisation de cet équipement totalement inédit qu’est NanoMAX ouvre l’accès à des informations capitales sur les mécanismes mis en jeu pendant la croissance de nanostructures, impliquant notamment la morphologie du catalyseur et des interfaces, le lieu de germination des couches, ou encore la cinétique d’avancée des marches atomiques. Ces informations conduisent à un contrôle accru des propriétés des nanocristaux. Enfin, ce dispositif instrumental unique permet d’étudier une large gamme de matériaux - semi-conducteurs, objets carbonés, métaux, oxydes- à partir d’autres sources de matière. Un bel outil pour faire progresser la science des matériaux !
En savoir plus
Atomic step flow on a nanofacet
J.-C. Harmand, G. Patriarche, F. Glas, F. Panciera, I. Florea, J.-L. Maurice, L. Travers et Y. Ollivier
Physical Review Letters, 121, 166101 (2018)
DOI : 10.1103/PhysRevLett.121.166101
- Cette publication a fait l’objet d’un Focus sur le site Physics de l’American Physical Society (APS) : Focus : Video—Growing a Crystal One Atomic Layer at a Time
Contact chercheur
Jean-Christophe Harmand, directeur de recherche CNRS au C2N
Informations complémentaires
- Centre de nanosciences et de nanotechnologies (C2N, CNRS/Univ. Paris-Sud)
- Laboratoire de physique des interfaces et des couches minces (LPICM, CNRS/École Polytechnique)
Figure : Croissance de la structure wurtzite en vue inclinée révélant une projection bidimensionnelle de la progression des marches atomiques. Les marches naissent à la ligne triple, frontière entre les phases solide, liquide et vapeur. Quand une monocouche atteint ≈75% de couverture de l’interface solide/liquide, on observe une inversion de la courbure du bord de marche, qui renseigne sur les énergies de bord mises en jeu. © C2N, CNRS/Université Paris-Sud