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Publié le 20 février 2019

Effet électro-optique linéaire dans un semi-conducteur centrosymétrique

Des chercheurs du C2N ont mis en évidence l'effet Pockels dans des guides d'ondes optiques en silicium contraint, dissipant les doutes qui avaient surgi au cours de la dernière décennie concernant son existence.

L'explosion de la demande en données a imposé de nouvelles exigences en termes de débit de transmission qui sont de plus en plus difficiles à satisfaire sans accroître considérablement les consommations énergétiques dans les centres de données, points névralgiques des réseaux de communications. Dans ce contexte, la photonique silicium est considérée comme la solution la plus adaptée pour répondre à ces problématiques en remplaçant les interconnexions métalliques sur puce par des liaisons optiques à base de silicium. Une étape clé de ces liaisons consiste en la conversion de données transportées par un signal électrique vers une porteuse optique par l’intermédiaire d’un modulateur électro-optique. De nombreux efforts ont été consacrés à la conception de modulateurs rapides et à basse puissance consommée, tout en réduisant les coûts et la complexité de fabrication en exploitant les matériaux de la microélectronique, tel que le silicium et le germanium.

Cependant, le silicium étant un matériau centrosymétrique, il ne présente pas d'effet Pockels, un effet électro-optique ultrarapide induisant, sous l’action d’une tension électrique, une variation de phase de l’onde optique traduite en variation d’intensité grâce à une structure interférométrique. Cet effet, pourtant très populaire dans les systèmes classiques des télécoms, prend sa source dans des oxydes ferroélectrique comme le niobate de lithium. Néanmoins, cette limitation avec le silicium peut être assouplie en appliquant des déformations au sein de sa maille cristalline au moyen de contraintes afin de briser sa symétrie d'inversion. De nombreuses études théoriques et expérimentales ont récemment été rapportées pour démontrer et quantifier l’effet Pockels dans le silicium contraint. Cependant, la nature semi-conductrice du silicium complique énormément l'analyse de l'effet Pockels, dont l'existence a été mise en doute dans le silicium contraint et source de controverses. En effet, les porteurs libres dans les guides d’onde en silicium et aux interfaces engendrent un fort signal de modulation, masquant ainsi la signature de l’effet Pockels.

Depuis plusieurs années, des chercheurs du C2N étudient les aspects théoriques de l'effet Pockels du silicium contraint dans le cadre du projet ERC Popstar. Les chercheurs ont notamment démontré de manière expérimentale la présence d’un signal de modulation électro-optique basé sur l’effet Pockels à des fréquences au-delà de 20GHz  pour enrayer les effets de porteurs libres. Ils ont placé un échantillon comprenant des modulateurs électro-optiques, fabriqués dans la salle blanche du C2N, sur un banc d’expérimentations optiques. Des signaux électriques hautes fréquences ont été appliqués aux modulateurs afin de sonder l’effet Pockels. D’autre part, les chercheurs ont conçu un modèle multiphysique décrivant les résultats expérimentaux afin d’extraire le tenseur de susceptibilité électrique non linéaire de second ordre quantifiant, entres autres, la capacité d'un matériau à engendrer l'effet Pockels. En particulier, la distribution spatiale des composantes de ce tenseur dans les guides d'onde en silicium contraint a été déterminée pour la première fois. Les influences de la direction de propagation de la lumière dans le cristal de silicium ainsi que du niveau de contrainte appliqué au silicium ont également été observées et analysées. Ces travaux ont fait l’objet d’une publication dans la revue Communications Physics (Nature Press).

Les résultats présentés dans cet article ouvrent la voie à l'optimisation de modulateurs électro-optiques en silicium basés sur l'effet Pockels.

Références :
Fast linear electro-optic effect in a centrosymmetric semiconductor,
M. Berciano, G. Marcaud, P. Damas, X. Le Roux, P. Crozat, C. Alonso Ramos, D. Pérez Galacho, D. Benedikovic, D. Marris-Morini, E. Cassan et L. Vivien
Communications Physics 1: 64 (2018), Nature Press
DOI: https://doi.org/10.1038/s42005-018-0064-x

  • Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies – C2N (CNRS / Université Paris-Sud- Université Paris-Saclay)

Contacts :

Figures : A gauche : Comparaison des réponses électro-optiques théoriques et expérimentales, entre 3 GHz et 30 GHz, pour différentes directions de propagation de la lumière. Un bon accord entre les données expérimentales et le modèle théorique a été obtenu. A droite : Distribution spatiale, dans un guide d'onde en silicium contraint, de la composante principale du tenseur de susceptibilité électrique non linéaire de second ordre responsable de l'effet Pockels mesuré. © C2N / M. Berciano