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Publié le 26 juillet 2023

Qu’est-ce qui déclenche la croissance de GaN sur graphène ?

Une équipe composée de doctorants, d’ingénieurs et de chercheurs du C2N propose d’utiliser des matériaux bi-dimensionnels comme substrats de croissance pour les semi-conducteurs de l’opto-électronique. Ils explorent notamment la nucléation de nanostructures de GaN sur du graphène. La technique de croissance utilisée est l’épitaxie par jets moléculaires avec une source à plasma pour l’azote. Le graphène étant exposé aux flux de matière, il s’écoule plusieurs dizaines de minutes avant qu'on détecte la nucléation des premières nanostructures de GaN. L’équipe et ses collaborateurs ont clarifié ce qui se passe pendant ce laps de temps particulièrement long et identifié les mécanismes déclencheurs de la nucléation du GaN sur ce substrat si peu réactif.

L’utilisation d’un matériau bi-dimensionnel en tant que substrat pour la croissance épitaxiale de semi-conducteurs est un concept original et très attractif. Une équipe de recherche du C2N étudie depuis plusieurs années un cas particulièrement stratégique : l’épitaxie de GaN sur graphène. L’équipe a déjà montré que des nanofils de GaN de haute qualité optique peuvent croître verticalement sur un substrat de graphène avec une orientation basale bien définie. L’existence d’une relation d’épitaxie entre les deux matériaux était donc établie, mais la question de la nature exacte de leur interface restait ouverte. L’équipe du C2N et ses collaborateurs clarifient les mécanismes qui déclenchent la nucléation du GaN sur graphène et le type d’interaction entre les deux matériaux.
Le graphène est préparé par transfert d’une monocouche de graphène commercial sur une couche épaisse de SiO2 amorphe obtenue par oxydation d’une plaque de Si. La croissance est réalisée par épitaxie par jets moléculaires avec une source à plasma pour l’azote. En utilisant des conditions standard et à partir de l’exposition du graphène aux flux, il faut 90 min pour observer les premiers germes de GaN sur le substrat. Ce temps très long, appelé « incubation », est lié à la faible réactivité du graphène dont la surface est très stable. L'étude a montré qu’il peut être raccourci en baissant la température de croissance ou en augmentant les flux de matière. Encore plus remarquables sont les modifications que subit le graphène pendant la durée d’incubation.  La formation de trous de quelques nm de diamètre dans le graphène exposé au seul plasma d’azote a été observée. La spectroscopie de photoélectrons excités par rayons X révèle à la surface de ces échantillons, la présence de liaisons C-N. La signature du niveau de cœur N1s correspond à des atomes d’azote incorporés en site pyridinique. Ces résultats sont corroborés par la présence de défauts ponctuels dans le réseau de graphène, révélés en microscopie à effet tunnel. L’équipe de recherche pense que ces atomes d’azote pyridiniques sont les points d’ancrage des premiers germes de GaN. Elle propose un scénario de croissance plausible. Le temps d’incubation pourrait correspondre aux étapes suivantes : (i) création de lacunes puis de trous nanométriques dans le réseau de graphène, (ii) attachement d’atomes d’azote en périphérie des trous, (iii) formation de germes critiques de GaN liés à ces premiers atomes d’azote incorporés.
Deux arguments supplémentaires viennent étayer ce scénario de croissance. La variation du temps d’incubation avec les paramètres de croissance peut être modélisée très fidèlement en supposant qu’une partie de ce temps correspond à l’endommagement du graphène et que l’autre sert à surmonter une barrière de nucléation. Enfin, l’équipe a appliqué avec une pointe AFM des contraintes mécaniques sur les nanostructures de GaN sur graphène. Elle en conclut que les interactions de van der Waals qui pourraient être invoquées sont trop faibles pour expliquer la force qui lie les deux matériaux. Ce qui confirme l’existence de liaisons chimiques à l’interface.    

Références
What triggers epitaxial growth of GaN on graphene ?
Camille Barbier1, Ludovic Largeau1, Noëlle Gogneau1, Laurent Travers1, Christophe David1, Ali Madouri1, Dyhia Tamsaout1, Jean-Christophe Girard1, Guillemin Rodary1, Hervé Montigaud2, Christophe Durand3, Maria Tchernycheva1, Frank Glas1, Jean-Christophe Harmand1
Crystal Growth & Design, 2023, 23 (9), 6517
DOI : 10.1021/acs.cgd.3c00481

Affiliations
1Centre de Nanosciences et de Nanotechnologies - C2N, CNRS, UNIV. PARIS SACLAY, 10 Bld Thomas Gobert, 91120 Palaiseau
2Surface du Verre & Interfaces, UMR 125 CNRS/Saint-Gobain Recherche, 39 quai Lucien Lefranc, BP 135, 93303 Aubervilliers, France
3Université Grenoble Alpes, CEA, Grenoble INP, IRIG, PHELIQS, NPSC, 17 avenue des Martyrs, 38000 Grenoble, France

Contact : Jean-Christophe Harmand

Mots clés : Epitaxy, graphene, GaN nanostructures,

Figure : a) Image MEB de nanofils de GaN épitaxiés sélectivement sur un feuillet de graphène (barre d’échelle 100 nm) ; rien ne croît sur la silice à côté du feuillet. b) Image AFM d’une surface de graphène exposée à un plasma d’azote pendant 60 min montrant que des trous nanométriques se sont formés (barre d’échelle 50 nm). c) Analyse XPS de la même surface autour du niveau de cœur N1s révélant la présence d’azote en site pyridinique. Les positions attendues pour les trois sites d’incorporation possibles sont indiquées par des zones colorées : rouge pour graphitique, jaune pour pyrrolique, vert pour pyridinique. d)  Trois sites possibles d’incorporation d’azote dans un réseau de graphène.